« Je me sens comme étrangère à cette planète », « j’ai le sentiment d’être à ma place nul part », « je me sens mal à l’aise avec beaucoup de personnes », « j’ai la sensation de toujours devoir porter un masque pour m’intégrer. »
Ce sont autant de phrases qui traduisent le sentiment de décalage avec les autres que vivent les profils hypersensibles ou les adultes surdoués que j’accompagne en coaching…
Qu’on soit asperger, hypersensible, haut potentiel, DYS, etc. il est fréquent de se sentir décalés par rapport aux autres. Ce sentiment de décalage peut rendre anxieux et donner l’impression d’être anormal, inadéquat… Alors que la réalité est tout autre. Il découle d’une manière de fonctionner différente avec des besoins différents.
Bien entendu, se sentir en décalage quand on a un DYS ou se sentir en décalage quand on a un haut potentiel intellectuel se traduit de manière différente, bien que les deux atypies peuvent mener à des difficultés scolaires, par exemple.
Ici, je vais te parler de ce que je connais le mieux, à savoir, la douance et l’hypersensibilité.
D'ou vient ce sentiment de décalage avec les autres (quelques pistes) ?
I’m a weirdo
What the hell am I doin’ here?
I don’t belong here…
La première fois que j’ai entendu Creep de Radiohead à la radio, ce devait être en 2006 ou en 2007. Je m’en souviens encore très bien. J’étais dans la voiture de ma grand mère, la nuit commençait à tomber et le refrain a resonné fort dans mes tripes.
A l’époque, j’étais ado. et ce sentiment de décalage avec les autres, je l’ai toujours connu.
Je crois que ça a commencé dans la cours de récréation, en maternel, quand je comprenais pas bien les jeux de mes petits camarades. Je restais à l’écart, à les observer.
A cette époque, j’avais du mal à traduire ce qui se passait.
A vrai dire, ce décalage, j’ai mis des années avant de mettre des mots dessus…
L'intensité des atypiques
S’il y a bien un mot qui caractérise les personnes hypersensibles ou les surdoués, c’est l’intensité. On en met partout, à toutes les sauces. Que ce soit dans nos amitiés, nos amours, notre job, nos hobbies, nos discussions, nos réflexions, nos valeurs…
Etre atypique, c’est comme être un mégaphone au milieu de la foule. Tu amplifies.
Les sens sont souvent plus développés. Tu perçois plus ou différemment ce qui se passe autour de toi.
La passion t’allume quand tu t’amouraches ou quand tu fais une activité que tu aimes.
Tu penses vite et tu aimes aller de l’avant, quitte à semer les autres derrière toi.
On te dit que tu es « trop » et des fois « pas assez ». Tu aimes trop fort. Tu pleures trop souvent. Tu n’es pas assez souple ou trop tatillon.
Bref, chaque atypique est intense à sa manière.
La lucidité
Beaucoup d’atypiques sont comme des scanners qui passent le monde qui les entoure au crible. Ils voient ce que d’autres ne veulent pas voir. Ils cernent les incohérences ainsi que les états internes des autres.
Cette particularité peut avoir un goût amer et prendre l’apparence d’un cadeau empoisonné. En tout cas, il m’est souvent arrivé de le ressentir ainsi. Cela m’arrive encore aujourd’hui de me sentir très seule, quand bien même je suis entourée. Seulement, plutôt que de mettre mon focus sur ce sentiment d’être en marge, j’ai décidé d’apprendre à développer mon soutien envers moi-même.
Je cerne vite les autres. Je comprends leurs intentions, ce qui se jouent en eux et dans leurs relations. Je ne me contente pas de m’aligner sur les avis populaires. J’aime observer, écouter, discerner et chercher des solutions là où on ne voit que le problème. On me prend pour une huluberlue ou une nana qui se pose trop de questions.
L'éthique...
Beaucoup d’atypiques avec qui j’échange me font part d’une éthique forte, des valeurs humanistes. Ils se heurtent parfois à des conflits de valeurs.
Revient souvent la question du profit qui prend beaucoup plus de place que l’humain en entreprise, dans les professions médicales ou dans la fonction publique.
Reviennent aussi la notion de statut social et celle des titres, deux notions futiles aux yeux des personnes à haut potentiel ou des personnes hypersensibles.
Les rapports de force, la hiérarchie,.. sont des choses qu’on peine à comprendre donc à accepter. Certains arrivent à composer avec ces normes en mode « c’est le jeu ma pauvre Lucette… ». Mais pour beaucoup, elles génèrent de l’indignement et parfois un sentiment d’impuissance.
La détection tardive
Malgré une intensité avérée… qu’on a souvent soit même du mal à traduire, beaucoup d’enfants précoces (EIP) ou d’aspies, d’hypersensibles… passent relativement inaperçus.
Certains hypersensibles ou hauts potentiels (surtout les femmes au profil laminaire) inhibent leurs différences et utilisent leur intelligence pour jouer aux caméléons, parce que très tôt, ils pigent que leur façon d’être diffère de ce qu’on semble attendre d’eux. Ils s’immiscent petit à petit dans le piège du faux-self. Autrement dit, ils construisent un masque social pour cacher leurs différences. Ils se mettent à modéliser les autres, même si leur comportements sont à des années lumières de leur personnalité.
Aujourd’hui, les sujets de la haute sensibilité et de la précocité intellectuelle sont davantage abordés, ce qui permet à bon nombre d’atypiques de découvrir que certes, ils sont minoritaires, mais qu’ils ne sont pas seuls. Qu’ils existent d’autres personnes qui partagent leurs caractéristiques. Ils peuvent ainsi mettre des mots sur ce sentiment de décalage, le comprendre et se l’expliquer.
J’imagine que la multiplication des ressources sur ce sujet va permettre aux prochaines générations de « se découvrir » plus tôt. En tout cas, je l’espère.
Une société peu adaptée à la différence
A mon sens, notre société occidentale est encore peu adaptée aux atypies et c’est ce qui crée ce sentiment de décalage avec les autres.
Il est toujours préférable pour un individu de se ranger dans une case bien propre, bien rangée créée par la société. Il est mal vu de se poser beaucoup de questions, d’interroger l’ordre établi, les dogmes…
Les lignes commencent à bouger puisque les atypiques s’activent à les faire bouger. Du moins, ceux qui ont décelé leur potentiel et qui savent comment l’exprimer.
Pourtant, on le voit bien quand on regarde du côté de l’écologie… Notre société, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, fonce droit dans le mur. De nombreux atypiques s’évertuent à alerter et à sensibiliser sur le sujet. Seulement, ils sont considérés comme des illuminés ou des personnes pessimistes par une majorité encore endormie.
La lucidité dérange. Elle vient titiller le déni collectif. Elle dérange parce qu’elle remet en cause des habitudes ancrées depuis des décennies. Elle pousse à agir, à changer. Or, le changement effraie.
Il suffit d’aller regarder ce qui se passe au sein des entreprises pour constater la force de l’inertie.
Et si ce sentiment de décalage avec les autres était une chance ?
Je sais au combien les personnes au profil atypique peuvent souffrir de ce sentiment de décalage. Simplement, lutter contre ce décalage demande beaucoup d’énergie et de sacrifice de soi. Plutôt que dépenser ses ressources à s’adapter, ou plutôt à se sur-adapter, je pense qu’il est possible de les utiliser plus efficacement.
Exprimer son potentiel
La haute sensibilité peut devenir une force, tout comme on peut la voir comme un fardeau. Tout est une question d’angle de vue. Il en va de même avec toutes les autres formes d’atypies.
Plutôt que de chercher masquer ce qui chez nous dérange, il est possible de déplacer cette énergie et de la mettre au service des causes qui nous sont chères.
Nos talents et nos potentiels résident parfois dans ce qu’on refuse de montrer au monde, par peur du rejet ou du regard des autres.
Par exemple, une personne hypersensible pourrait chercher à cacher son coté dramatique. Alors que ce côté dramatique, allié à sa créativité, pourrait lui permettre de composer de superbes chansons, qui pourraient inspirer une part de l’humanité.
Le monde a cruellement besoin de personnes "différentes"
Comme le disait si bien Einstein « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ! ».
Concrètement, notre société est en souffrance et appelle à des changements profonds. Les Hommes se sont perdus dans une quête de profit/statut permanente, qui les éloigne du sentiment d’accomplissement.
Ils s’anesthésient toujours plus dans le travail, les divertissements, la tv, la consommation, la spiritualité… plutôt que de regarder la réalité en face. Ils se sentent vides ! Ils ont besoin de se reconnecter à leur rythme naturel, qui est celui de la nature et des saisons.
C’est simple à entrevoir depuis que le développement personnel et le bien être sont « à la mode ». Les gens tentent de remettre en cause leur mode de vie de manière plus ou moins fructueuse. Là encore, la force de l’inertie tient un rôle central. Changer demande du courage.
Les profils atypiques ont, à mon sens, une résilience et un courage qui a le pouvoir d’inspirer les autres. Ils ont la faculté d’expliquer comment ils se sont transformés et de motiver leurs interlocuteurs à se mettre en chemin.
Ils ont aussi une pensée globale qui leur donne la capacité de faire émerger des solutions innovantes, dont la société va avoir besoin pour prendre un tournant.
A vos neurones les gars…